DEFINITION FAIRE CROIRE
FAIRE (FAIRE) / un étrange factitif…
Dans l’expression « faire tomber » le premier « faire » indique toujours la source de l’action (= être cause que, obtenir que, aboutir à ce qui implique là encore une conscience et une responsabilité) et le deuxième « verbe x » devient un auxiliaire à valeur factitive, décrivant ce qui est fait. Le sujet est la cause de l’action ou de l’état décrit par l’infinitif : « il a fait tomber le verre ». Il y a donc en plus de ce qui a été énoncé plus haut un pouvoir de produire quelque chose, un pouvoir sur la chose produite.
Enfin l’expression « faire faire qqchose à qqun » (comme dans « faire croire ») ajoute l’idée de pouvoir provoquer chez autrui une action, un phénomène ou une réaction en lui et malgré lui.
Donc le double infinitif « faire croire » (fc) désigne moins un concept qu’un libellé problématique car il associe deux verbes qui peuvent sembler contradictoires, car impliquant un agent contraignant et un patient (ou sujet) subissant cette manipulation du réel. On voudrait nous faire attacher une valeur de vérité à telle chose et la tenir ainsi pour véridique. Faire croire est un verbe factitif c’est-à-dire indiquant que le sujet fait faire ou cause l’action mais ne la fait pas lui-même donc cela suppose que la balance penche du côté de l’agent qui semble avoir plus de force et de pouvoir, même s’il est indirect, que le patient, surtout s’il s’agit de faire croire au lieu de faire agir.
FAIRE CROIRE= ici l’exploit ne consiste par seulement à produire un effet sur l’autre, mais à produire un effet tel que l’autre produise cet effet de lui-même. Il s’agit d’un jeu par bandes comme au billard. Une petite cause extérieure doit produire par ricochets de grands effets intérieurs.
La croyance implique une adhésion non réfléchie à une opinion sans preuves, à l’objet de la croyance et même parfois une confiance dans le témoignage d’autrui ; c’est alors une pensée par procuration : je crois ce que les autres croient (erreur ou illusion partagée) ou me font croire sans le croire eux-mêmes (mensonge) voire en le croyant eux-mêmes (mensonge à soi-même). La croyance n’est pas seulement un phénomène intérieur que l’on engendre par soi-même, elle peut être aussi produite de l’extérieur par une réalité naturelle (mirage), culturelle (trompe l’oeil) et par notre relation à autrui. Déconstruire le réel pour reconstruire une fiction ou une illusion vraisemblable capable de susciter l’adhésion.
On peut donc voir toute une série de paradoxes du « faire croire » :
- une action extérieure (le faire) engendre un effet intérieur chez l’autre (le croire) ce qui est assez commun car on fait croire quelque chose à qqun (1ère structure grammaticale à ajouter)
- une action engendre une passivité : on impose par l’action extérieure une forme de passivité intérieure, ce qui est plus original
- cette passivité intérieure engendre à son tour une action intérieure ou extérieure, même si elle ne trouve pas sa cause et son levier en elle-même, elle trouve un terrain fertile où se développer à l’intérieur de soi, qui donne l’impression que la croyance ou l’action qui en découle vient de soi
- et enfin, last but not least, il faut ajouter qu’on fait croire quelque chose à qqun donc il y a un contenu sous-entendu (2ème structure grammaticale à ajouter) : donner à croire quelque chose impliquera (souvent) de faire passer pour vrai un contenu qui est faux.
La croyance est donc un dispositif complexe engageant donc des acteurs qui font croire et des sujets qui croient ce qu’on leur fait croire . Faire croire désigne une action ou une volonté de faire adhérer un ou plusieurs individus à une croyance ; cette action semble relever de la dissimulation et d’une manœuvre pour camoufler une réalité ou en détourner en suggérant des représentations sans fondements ; faire croire repose sur une tentative de créer des masques et des rôles autour de soi-même de manière à manipuler et piéger ceux qui croient dans l’illusion ainsi construite. Il y a polarisation entre un agent qui fait croire et un patient qui croit, même si nous verrons que l’étanchéité entre ces positions peut être relativisée (si celui qui fait croire croit lui aussi à ce qu’il fait croire / si celui qui croit participe activement à cette croyance).
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