la mort des frères De Witt « ULTIMI BARBARORUM »
« Les corps des frères De Witt » Jan von Baen
La peinture « Les cadavres des frères Witt » de l’artiste Jan de Baen (le peintre aux neuf doigts) est un chef-d’œuvre du dix-septième siècle qui montre une scène tragique et émouvante. Le tableau représente les frères de Witt, Cornelius et John, après avoir été tué en 1672 lors d’un conflit politique aux Pays-Bas. La composition de la peinture est impressionnante, avec les corps des frères de Witt au centre de l’image, entourés d’un groupe d’hommes en attitude de deuil.
Le style artistique de la peinture est typique du baroque néerlandais, avec une attention méticuleuse et une technique de peinture impressionnante. L’utilisation de la couleur est sobre et sombre, ce qui reflète la tristesse de la scène. La lumière dans la peinture est très importante, car elle est utilisée pour mettre en évidence les corps des frères de Witt et créer une atmosphère sombre et mystérieuse.
L’un des aspects les plus intéressants de la peinture est son histoire. Les travaux ont été commandés par le maire de la Haye, six ans, après la mort des frères de Witt. Le tableau a été publié publiquement à La Haye, mais a disparu pendant la Seconde Guerre mondiale et n’a été récupéré qu’en 2002.
Un autre aspect peu connu de la peinture est que Jan de Baen a utilisé de vrais modèles pour représenter les frères de Witt et les hommes qui les entourent. Cela donne à la peinture un sentiment de réalisme et d’authenticité qui est impressionnant.
Frappés à coup de crosse, de piques et de décharges de mousquets, défigurés, mutilés, les deux frères étaient achevés dans la rue. Leurs restes étaient trainés et attachés au gibet. « On vendit au plus offrant les lambeaux de leurs vêtements et même les débris de leurs corps ».
Rien ne manque à ce tableau édifiant, pas même la protestation platonique de Spinoza qui, dt-on, aurait envisagé d’apposer un placard avec l’inscription Ultimi Barbarorum.
« Leur mort tragique termina la lutte entre le pouvoir et la liberté » comme le résumait une brochure libérale du temps de la Restauration.
Mais quelle est la signification de ce 20 août 1672 ? Comment comprendre la mort atroce des frères de Witt ? Le double assassinat de la Haye symbolise-t-il la fin du « siècle d’Or » hollandais ?
C’est la nuit, le ciel est sombre et les arbres assombrissent encore davantage le haut du tableau. Du ciel descend comme une échelle à barreaux latéraux : c’est une sorte de gibet. Y sont suspendus par les pieds deux corps nus d’hommes morts, tête en bas donc, à une hauteur telle que leurs mains pendantes touchent tout juste le sol. Ils ont été éventrés, leurs entrailles pendent, leurs cuisses sont entaillées comme avec un scalpel, et ils ont été émasculés, une plaie béante à la place du sexe. Ils sont défigurés, n’ont plus de nez, leurs ongles ont été arrachés; ils sont morts depuis longtemps, ont été tués et torturés ailleurs, le sang ne coule plus, a séché sur leur visage, ce sont des cadavres qui se rigidifient.
A gauche, une pique orange, à droite deux ou trois autres, plus courtes: leur utilité n’est pas claire, peut-être la couleur orange est elle symbolique, en tout cas elles encadrent la scène. Au pied de l’échelle, un chat mort, lui aussi éventré, on ne sait pourquoi; plus à droite, un autre chat-tigre de face, mais peut-être est-ce une statue.
Scène d’horreur absolue, violence d’une foule contre des dignitaires soupçonnés sans preuve de trahison, tortures et mutilations sauvages : sont-ce là des sentiments seulement modernes ? Les Hollandais de l’époque se sont-ils émus de cette barbarie de leurs concitoyens ? Le peintre, lui, ne semble traduire nulle émotion, nul dégoût. C’est comme une scène de théâtre, il y a une marche devant pour accéder à la « scène », et surtout il y a cet homme à droite qui tient une torche et éclaire le spectacle, protégeant ses yeux non de l’horreur, mais semble-t-il, de l’éclat du flambeau. Il est là pour nous montrer le spectacle, il est l’intercesseur entre nous et cette tragédie, il est aussi celui qui nous dit ce qui est réel et ce qui est spectacle, celui qui aide les spectateurs contemporains de cette histoire, à s’en purger, à se distancier, à s’extraire de cette réalité récente, laquelle ainsi devient histoire, devient plus lointaine, moins quotidienne.
Cette marche et ce porteur de torche me rappellent le fameux escargot remarqué par Daniel Arasse dans l’Annonciation de Francesco del Cossa : « il est peint sur le tableau, mais il n’est pas dans le tableau, il est sur son bord, à la limite entre son espace fictif et l’espace réel d’où nous le regardons » (On n’y voit rien). Ou peut-être, comme dit Arasse au début du même texte, « vous allez encore dire que j’exagère, que je me fais plaisir mais que je surinterprète ».
En 1672, après le massacre des deux frères par un attroupement favorable à la famille d’Orange, la foule, informée par un élève du peintre, veut détruire les portraits et assaille la maison de Jan de Baen, puis l’hôtel de ville et détruit le tableau L’apothéose de Cornelis de Witt, maire de Dordrecht.
« Mutilation des frères de Witt » Hendrick Danckerts
Commentaires récents